Le nouvel épisode de notre série “Elles innovent en Centre-Val de Loire” est consacré à la société VIEWaves, installée au Lab’O à Orléans et spécialisée dans le développement de molécules fluorescente proche-infrarouge permettant d’identifier précisément les cellules cancéreuses et les tumeurs au travers des tissus. Stéphane Petoud, co-fondateur et professeur-chercher en spectroscopie, chimie inorganique et biologie et Franck Suzenet, également co-fondateur et professeur-chercheur en chimie organique ont ouvert leurs portes à DEV’UP Centre-Val de Loire pour raconter le parcours de la création de leur entreprise et leur projet d’innovation qui permettra à l’avenir d’assister les chirurgies dans l’identification de l’emplacement des cellules malades et des tumeurs.

Question 1- Présentez-nous votre entreprise

 

[Franck Suzenet] – « Implantée à Orléans, notre entreprise a établi son siège social au Lab’O. Bien que notre équipe ne compte aucun salarié à ce jour, nous sommes quatre scientifiques dynamiques : Stéphane, Directeur de Recherche à l’INSERM et chercheur au CNRS, Vincent Pecoraro, professeur de chimie à l’université du Michigan aux États-Unis et présent en France pendant trois mois chaque année depuis 2022, Svetlana Eliseeva, chercheuse au CNRS d’Orléans et moi-même, enseignant-chercheur à l’université d’Orléans.Notre histoire débute en 2009 à Orléans, lorsque nous avons commencé à collaborer dans le domaine des molécules fluorescentes. Forts de nos recherches conjointes et animés par le désir de valoriser nos travaux académiques en les concrétisant, nous avons décidé de créer VIEWaves en 2022. Cette initiative nous a permis d’associer nos expertises respectives dans un cadre entrepreneurial. Vincent apporte son expertise en chimie bioin-organique, Svetlana est spécialiste dans la spectroscopie, Stéphane possède des compétences en spectroscopie, chimie inorganique et biologie, tandis que je suis expert en chimie organique.Une fois lancée, notre aventure nous a amenés à rechercher un CEO chargé du développement commercial. Grâce à Natacha Olivier de la Technopole d’Orléans, nous avons eu le plaisir et la chance de rencontrer Frédéric Lemoigne qui occupe depuis 2021 le poste de CEO de VIEWaves. »

Question 2- Quel est votre domaine d’activité ?

 

[Stéphane Petoud] – « Actuellement, sur le marché, seul un composé moléculaire, le vert d’indocyanine, est disponible depuis 20 ans. Cependant, il présente des limites majeures dont sa faible capacité à se cibler spécifiquement sur la tumeur. La localisation de la molécule reste aléatoire en raison de son incubation passive, ce qui entraîne une précision moindre dans l’imagerie optique et la chirurgie qui y est associée. Une autre limitation du vert d’indocyanine est la visualisation des cellules malades et son photo blanchiment. La  molécule émettrice de lumière se dégrade sous l’exposition prolongée à la lumière d’excitation et le risque est la destruction du marquage moléculaire lui-même.Notre avantage concurrentiel réside dans une technologie de rupture. Notre innovation, basée sur de nouvelles molécules émettant de la lumière proche infrarouge, constitue une avancée significative par rapport aux procédés actuels. Cette technologie est déjà brevetée pour sa protection intellectuelle, avec quatre brevets à notre actif en co-propriété entre l’Université d’Orléans, l’Université du Michigan et le CNRS. Les accords prévoient que les développements de produits VIEWaves soient uniquement réalisées en France et qu’à long terme, la commercialisation soit plus globale ».

© L’équipe de Viewaves (de gauche à droite) : Frédéric Le Moigne, Franck Suzenet, Stéphane Petoud, Svetlana Eliseeva,

et Vincent Pecoraro.

© Planche de bande dessinée expliquant l’innovation VIEWaves

Question 3- Parlez-nous votre innovation.

 

[Stéphane Petoud] – « Notre innovation est spécifiquement conçue pour répondre aux besoins de la filière médicale en oncologie. Les principaux décideurs sont les hôpitaux et les cliniques privées, tandis que les chirurgiens jouent un rôle crucial en tant que prescripteurs finaux. Pour simplifier, notre solution repose sur des agents d’imagerie fluorescents proche infrarouges, à base de composés de lanthanide (des terres rares). Ces agents sont greffés à des anticorps qui ciblent et englobent avec précision les cellules cancéreuses et les tumeurs à travers les tissus, permettant ainsi d’identifier clairement les cellules malades.Le proche infrarouge est un domaine du spectre électromagnétique correspondant à une longueur d’onde élevée permettant de traverser les tissus (comparable à la capacité de visualisation de la lumière rouge au travers de la main). La détection dans cette gamme de longueur d’onde permet de s’affranchir de la fluorescence intrinsèques des tissus biologique qui se trouve dans le visible (« l’autofluorescence »).

Lorsqu’ils sont exposés à la lumière proche infrarouge, les composés de lanthanides VIEWaves émettent à leur tour de la lumière proche infrarouge, permettant ainsi de les localiser avec précision et sans ambiguïté autour des cellules malades. L’utilisation des lanthanides offre une détection précise quel que soit leur environnement. De plus, les composés de lanthanides VIEWaves sont photostables et peuvent émettre de la lumière sur de très grandes durées, contrairement aux molécules organiques qui se dégradent rapidement au contact de la lumière.

Les anticorps agissent comme des balises lumineuses, guidant les agents fluorescents vers les cellules cancéreuses et les tumeurs, agissant telle une locomotive amenant les wagons à destination.

Grâce à la technologie de rupture VIEWaves, nous éliminons les ambiguïtés d’interprétation, les faux positifs et faux négatifs associés aux pratiques actuelles. Notre innovation a pour vocation finale d’aider les chirurgiens lors de leurs opérations et donc de sécuriser l’acte chirurgical, de réduire les complications post-opératoires et d’augmenter la survie des patients.

Question 4 – Quels sont les défis que vous avez rencontrés lors de la mise en œuvre de votre projet ? 

 

[Franck Suzenet] – « En tant que scientifiques impliqués dans notre travail, le recrutement d’un CEO a été notre défi majeur. Dans notre situation, trouver la bonne personne était d’autant plus complexe, car nous recherchions une personne capable de s’autofinancer pendant une période donnée. Nous avions besoin de quelqu’un prêt à s’engager pleinement dans notre entreprise et passionné par notre projet.Pour y parvenir, nous avons entrepris des recherches pour recruter un CEO chargé du développement commercial, avec l’aide précieuse de Natacha Olivier, Responsable du pôle Enseignement Supérieur, Recherche et Innovation (ESRI) de la Technopole d’Orléans. Après avoir examiné attentivement plusieurs profils, nous avons immédiatement accroché avec Frédéric Lemoigne.Notre deuxième défi est de lever des fonds, notamment auprès des « business angels » et des investisseurs en capital-risque. Les business angels ne demandent généralement pas beaucoup en échange de leur financement, tandis que les investisseurs en capital-risque exigent généralement un certain pourcentage de contrôle de l’entreprise en retour de leur investissement. Nous avons donc décidé de trouver un équilibre entre ces deux types d’investisseurs afin d’équilibrer le curseur selon nos besoins en matière de développement technologique. Pour nous, le plus dur reste de convaincre les investisseurs de s’engager dans notre projet. »

Question 5 – Comment les appuis de DEV’UP et de l’écosystème ont-ils contribué à la réalisation de votre projet ? 

 

[Stéphane Petoud] – « Avant même de fonder VIEWaves en 2020, nous avons soumis un dossier au concours I-lab et avons été finalistes. Cette expérience nous a permis d’entrer en contact avec DEV’UP Centre-Val de Loire, la BPI, C-Valo, la Technopole et le Lab’O. Face à la complexité pour trouver des informations pertinentes, nous avons ensuite bénéficié du programme européen SPARK en 2020. Initié par la Région Centre-Val de Loire en partenariat avec DEV’UP Centre-Val de Loire et d’autres acteurs, nous avons participé à plusieurs ateliers qui ont stimulé notre réflexion en nous mettant en contact avec différents intervenants et en renforçant nos liens avec l’écosystème régional.En 2022, nous avons intégré le dispositif Scale’up, ce qui nous a permis de structurer notre entreprise, notamment sur les plans juridique et financier. Nous avons bénéficié d’un accompagnement précieux pour la levée de fonds et avons pu élargir notre réseau grâce à une mise en relation facilitée avec de nombreux acteurs. Parallèlement, nous avons obtenu un soutien financier de la région, notamment à travers l’Appel à Projet Régional d’Intérêt Régional (APRIR), qui s’est révélé essentiel pour faire avancer le développement de produits VIEWaves. »

Question 6 – Selon vous, quels sont les éléments qui font de la région Centre-Val de Loire un territoire propice à l’innovation ? 

 

[Franck Suzenet] -« En plus d’apporter un soutien financier avec des aides et dispositifs, la région Centre-Val de Loire offre une richesse de soutien, notamment à travers DEV’UP Centre-Val de Loire, ce qui a considérablement renforcé l’écosystème régional. Les services de cette agence se distinguent par leur capacité à rester informé et à partager de manière transparente les informations, apportant ainsi une valeur significative aux entreprises locales. Cette structuration régionale offre une assurance aux entreprises, sachant qu’elles peuvent s’appuyer sur une réponse adaptée à leurs besoins spécifiques. Auparavant, nous perdions beaucoup de temps en nous rendant jusqu’à Paris pour des formations dont nous ignorions même l’existence. Désormais, nous savons à qui nous adresser pour obtenir une réponse efficace. »

Question 7 – Quelle est votre ambition ? 

 

[Franck Suzenet] – « En ce qui concerne le développement de notre technologie, nous avons déjà démontré son efficacité sur les cellules vivantes, ce qui nous permet de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses. La prochaine étape consistera à réaliser des tests sur des modèles animaux. Notre ambition scientifique se traduit par la validation des avantages compétitifs de notre produit à travers des essais cliniques sur des modèles animaux, avec pour objectif premier d’attirer des investisseurs pour nous aider à financer notre projet. À long terme, nous aspirons à développer notre innovation pour la mettre à disposition des médecins de la filière oncologie en France et à l’étranger. »

Pour compléter cette interview, nous vous proposons de découvrir sur notre Linkedin la troisième vidéo de notre série « Elles innovent en Centre-Val de Loire ».Un grand merci à Stéphane Petoud et Franck Suzenet pour leur temps et leur investissement dans la réalisation de ce nouvel épisode « Elles innovent en Centre-Val de Loire ».Si vous souhaitez en découvrir davantage sur l’outil de fluorescence des cellules cancéreuses et des tumeurs : cliquez ici.Restez connectés pour découvrir notre prochain dirigeant d’entreprise innovante, dès le mois prochain !