Interview de Christophe Masson, Directeur général du pôle de compétitivité Cosmetic Valley, le premier réseau mondial en parfumerie-cosmétique par sa filière industrielle, son écosystème de recherche en cosmétologie et son offre de formation.
Comment se porte le marché cosmétique ?
Le marché cosmétique mondial, c’est 600 milliards d’euros et 5 % de croissance par an. Avec une population mondiale qui augmente et un niveau de vie qui progresse dans un certain nombre de pays, la croissance de la cosmétique se poursuit naturellement car elle répond à un besoin du quotidien. Jusqu’à récemment, cette croissance a été beaucoup tirée par l’Asie mais les difficultés rencontrées en Chine dues au Covid ont un peu changé la donne. Actuellement, ce sont principalement les États-Unis qui tirent cette croissance, aux côtés de la Chine. Dans ce secteur mondial, la France est le premier exportateur mondial et on peut en être fier !
Pôle de la parfumerie cosmétique française de référence en Europe et dans le monde, Cosmetic Valley est un partenaire privilégié de DEV’UP Centre-Val de Loire. Différentes actions sont ainsi menées conjointement visant à renforcer l’attractivité du « Made in France », la compétitivité des entreprises, des territoires et des laboratoires de recherche.
Une démarche qui se traduit notamment par l’accompagnement du développement des entreprises à l’international via l’organisation de missions économiques et de pavillons collectifs sur les plus grands salons du monde – Beautyworld Middle East à Dubaï, In Cosmetics Global en Europe, Cosmetic 360 à Paris… Autre axe de collaboration, le développement de l’innovation sur le territoire et des partenariats de R&D public/privé au sein de la filière, à l’instar du projet ACTT4Cosmetics engagé pour favoriser un écosystème cosmétique d’innovation plus efficace et interconnecté en Europe.
En effet, la compétition devient de plus en plus dure. En plus des acteurs historiques comme les Etats-Unis, d’autres concurrents sérieux arrivent, à l’instar de la Corée devenue 4ème exportatrice mondiale en quelques années. Il y a donc un marché mondial qui progresse et cela va continuer mais avec encore davantage de compétition. Aujourd’hui la France dispose toujours d’un avantage concurrentiel car acheter des produits français, c’est acheter des produits de qualité, sûrs, traçables, innovants et engagés en faveur de l’environnement. C’est aussi acheter une image de prestige, un patrimoine, une histoire.
Quelles sont les grandes tendances de la filière cosmétique ?
Il existe bien sûr des spécificités locales et culturelles. Les besoins et les attentes des clients en matière de cosmétique peuvent être différents, de même qu’au niveau règlementaire. C’est par exemple le cas de la Chine qui a des exigences règlementaires bien particulières. Néanmoins, de grandes tendances se dégagent et, comme c’est le cas dans d’autres filières, les transitions digitale et écologique sont au coeur des enjeux actuels.
En termes de transition digitale, on constate une explosion du e-commerce. Pendant le Covid, chacun a appris aux quatre coins du monde à acheter des produits sur Internet, à tester et à choisir ses produits de façon différente grâce aux tutos en ligne par exemple. Se sont ainsi développées des solutions technologiques très pointues pour se maquiller virtuellement et fournir en ligne des conseils à l’achat. Aujourd’hui le consommateur achète en ligne, il souhaite des produits personnalisés, sains et pouvoir en disposer rapidement. Le digital est désormais partout. C’est une tendance lourde qui impacte toute la filière et ce, jusqu’en Centre-Val de Loire. Elle se répercute sur toute la chaîne de valeur pour être en capacité à répondre aux stocks nécessaires, à maîtriser la sécurité du produit…
En 2022, 39 % des produits cosmétiques ont été vendus sur Internet en Chine (16 % en France)
L’autre tendance, c’est la transition écologique. La prise de conscience des enjeux sociétaux et climatiques engendre une volonté croissante d’avoir des produits le moins impactant possibles pour l’environnement. Le consommateur veut de l’authenticité ; la naturalité, c’est une lame de fond depuis de nombreuses années qui exige de substituer la pétrochimie, de chercher à utiliser des co-produits issus du monde agricole ou de l’agroalimentaire. La région a d’ailleurs beaucoup d’atouts dans ce domaine. Il y a de nombreuses innovations qui voient le jour visant à proposer des produits cosmétiques nécessitant moins d’eau pour leur utilisation, à repenser leurs emballages dans le but de les réduire, les réutiliser et/ou les recycler. On peut citer en Centre-Val de Loire, la société Expanscience qui distribue aujourd’hui sa marque Mustela en vrac dans les pharmacies. C’est une vraie rupture, un vrai changement dans les habitudes de consommation qui illustre parfaitement l’engagement environnemental.
©Philippe Montigny / DEV’UP Centre-Val de Loire
Comment se positionne le Centre-Val de Loire et quels sont ses atouts ?
Nous sommes dans une période où beaucoup de choses changent, avec notamment la digitalisation du secteur et la prise de conscience écologique. La filière cosmétique française est leader mondial mais se doit d’être exemplaire pour le rester.
En Centre-Val de Loire, nous disposons de toutes les cartes à jouer. On représente l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur, depuis les leaders mondiaux et leurs grandes marques, les fournisseurs d’ingrédients, d’emballages secondaires, de services… Nous disposons d’un écosystème industriel dans toute sa verticalité et réussir nos défis de transformation écologique et d’économie circulaire, on peut le faire en Centre-Val de Loire puisque tous les acteurs sont là. Il est ainsi plus aisé d’entraîner une ligne collective pour aller vers davantage de responsabilité environnementale. D’autant qu’en tant que bassin agricole majeur, la région permet de disposer localement de matières premières et d’éco-produits. Par ailleurs, le territoire compte un tissu d’enseignement supérieur et de recherche très engagé dans la cosmétique, à travers les universités de Tours et d’Orléans, le CNRS, le BRGM, l’INRAE, l’installation à Orléans de la chaire de cosmétologie d’AgroParisTech. Il y a également des formations particulièrement reconnues proposées par l’IMT à Tours, Polytech, l’INSA Centre-Val de Loire à Blois…
Enfin, les politiques publiques régionales soutiennent le développement de la cosmétique et les acteurs sont particulièrement mobilisés. Le programme CosmétoSciences mis en place par la Région en est une belle illustration, avec un double objectif : soutenir la recherche pour aider les entreprises à se développer et positionner la région comme un territoire majeur en termes de R&D cosmétique. Une démarche qui participe bien entendu à renforcer l’attractivité du territoire. On peut citer aussi le soutien important des entreprises dans leur démarche à l’export via DEV’UP Centre-Val de Loire, la présence du premier incubateur dédié à la cosmétique à Chartres…
En conclusion…
Aujourd’hui l’enjeu, c’est donc véritablement de rester compétitif face à une concurrence mondiale de plus en plus rude. La clé, c’est évidemment l’innovation que l’on fait en région ainsi que la capacité à influer sur le marché mondial et à communiquer sur le « made in France ». C’est la force notamment de la marque Cosmetic Valley qui est connue dans le monde entier et qui renvoie vers l’excellence française dans ce domaine. Le salon Cosmetic 360 participe également à cet objectif. En effet, ce rendez-vous mondial de l’innovation cosmétique qui se tient à Paris positionne ainsi la capitale française comme le lieu de rencontres de tous les acteurs majeurs de la filière – les investisseurs, les start-up… C’est également un élément de notoriété qui confirme que c’est en France que cela se passe lorsque l’on parle d’innovation et de tendances !
En savoir plus
- Article DEV’UP Centre-Val de Loire : « La filière cosmétique du Centre-Val de Loire s’imprègne des nouvelles tendances pour poursuivre sa croissance »
- Le pôle de compétitivité Cosmetic Valley
Photo Christophe Masson : ©Frédéric Grimaud / COSMETIC VALLEY